Les artistes
Pour moi, les seules choses valables se font dans la solitude et la tristesse : l'art est une éminence de cela. L'artiste est un fou, il est l'incarnation de l'inadaptation sociale : il a besoin de dire à travers son art ce qu'il ne sait pas exprimer simplement en privé ; c'est de la pudeur. Les artistes sont pudiques et orgueilleux. Mais les artistes qui ne produisent pas, qui gardent leur pudeurs en eux sont proches de la psychopathologie, même si le fait qu'ils l'ignorent peut leur être bénéfique pour avancer aux côtés des artistes : en marge de la société, dans un épanouissement qui leur est propre.
L'artiste est fétichiste avec les femmes comme un croyant peut l'être avec Dieu. Il ne craint pas la mort et il aime passionnément. Il aime une femme, il aime les femmes – ou les hommes - , il vit de cela, il vit d'amour, il vit de sexe, il vit de son art. Et il vit de ses désillusions : il sait que lorsqu'une fille s'en va, c'est que l'amour entre eux n'existe plus depuis longtemps. Pour lui, la femme est une muse et la source des peines, c'est comme ça. Mais elle lui est tout de même indispensable. L'artiste est condamné à souffrir par amour. L'artiste est un déséquilibré. C'est un jongleur. Il n'a pas besoin de la femme par équilibre, il a besoin de la femme par amour, par désir, par pureté. La tendresse, ça vient après l'amour et c'est insoutenable, c'est l'esclavagisme de l'être humain. Et on ne peut s'y soumettre. Même avec les chiantes. L'artiste est bien trop enfant et bien trop féminin pour avoir besoin de la femme comme d'un appui, pour la posséder. Il en a besoin parce qu'il l'aime. L'artiste n'est pas un homme. L'artiste est une femme-enfant.
Je parle d'art. Si je parle pour moi, je parle de chansons, de morceaux, de romans, de nouvelles ; je ne parle pas de poésie. Ceux qui se disent poètes ne le sont à coup sûr justement pas. Je trouve cela d'une prétention puante. Ils ne sont même pas artistes. Ils ne sont rien. Ils ont d'autres passions. L'artiste ne doit faire que cela : produire, faire de l'art. Quitte à en crever, à en crever de tristesse, de faim, et d'amour.