Le merdier et puis la mort
le merdier
Je ne sais pas pourquoi ma vie a toujours été un tel bordel. J'ai toujours l'impression que les autres ont une vie plus simple, plus rangée. Moi, dans ma tête, tout se mélange. Comme s'il y avait un schizophrène à l'intérieur de moi qui faisait se disputer plein de personnages. Le bordel de L'auberge espagnole de Klapisch. C'est ça dans ma tête. Une auberge espagnole. C'est le merdier. Personne ne s'y retrouve. Tout fout le camp. Je n'y comprends rien. Je sais qui j'aime mais je ne sais plus qui je déteste. J'envoie chier des gens, j'en rassure d'autres. J'ai envie de voir personne mis à part les quelques proches. Les vrais proches. Je reste sur mon canapé à boire du vin, il m'est même arrivé ces derniers jours de regarder des conneries de débats politiques à la télé, d'écouter Pasqua parler sans chercher à comprendre ce qu'il dit, de ne plus trouver matière à faire des vannes en lisant les infos dur le site de LCI alors qu'il y a de sacrées conneries et des putain de puits de vannes. Rien. C'est un beau bordel. Je suis jeune et je n'ai pas d'avenir, je ne vois pas plus loin que dans une semaine et j'ai envie de vivre tout, tout de suite ; et ça me fait chier. J'aimerais avoir une carrière toute tracée : fac de psycho, DESS, travail en hôpital, ouverture d'un cabinet et faire sagement mon métier jusqu'à en crever. Mais je ne sais pas faire ça. Je suis bien trop antisocial. J'en ai ma claque. Je veux sortir de toute cette merde ; ou rien. Et je ne veux pas qu'on vienne me chier dans la gueule avec des conneries.
Suite logique
- Tu crois qu'il existe un Paradis, toi ?
- Non ; moi j'y crois pas.
- Tu crois qu'il y a quoi, alors ?
- Je crois qu'il y a rien. Après, on devient quelqu'un d'autre, on se réincarne dans un autre corps. Et ça continue.
- Tu sais moi je suis qu'une gamine. Je comprends pas trop tout ça.
- Oui. Mais nous les adultes... Tu crois qu'on sait ce que c'est la mort ?
- C'est quoi en fait ?
- Je sais pas trop. Moi, je pense que ceux qui sont morts ne meurent pas vraiment si on continue à penser à eux. Et puis je pense aussi que ceux qui croient qu'il y a une vie après la mort, c'est parce qu'ils en ont peur. Parce qu'ils ont de l'espoir ou au contraire parce qu'ils n'en ont pas.
- Tu as peur de la mort ?
- Oui, j'ai peur de la mort. Mais je l'accepte.
- Tu l'acceptes ?
- Oui. La mort, c'est quelque chose qui va arriver. Alors on est bien obligé de l'attendre, de se dire que ça va arriver. C'est tout.
- Si tu savais que tu allais mourir, tu ferais quoi ?
- Rien. J'attendrais. Je vivrais le plus intensément possible. Et j'attendrais.
- Ça veut dire quoi « intensément » ?
- Ça veut dire qu'il faut aimer ce qu'on fait.
- Tu aimes ce que tu fais ?
- Parfois, pas toujours. J'essaye en tous cas.
- Et elle ?
- Je sais pas. Je la connaissais pas. Mais j'espère qu'elle s'est aimé à un moment.
- Ça veut dire quoi « s'aimer » ?
- Ça veut dire faire ce qu'on veut, avoir envie de se respecter, aimer les autres en se disant qu'on vaut quelque chose soi-même.
- Elle s'est aimée avant de mourir ou avant ? On peut s'aimer toute la vie ?
- Je pense pas. Il y a toujours des moments où on se déteste.
- Pourquoi ?
- Parce qu'on fait des erreurs.
- Et elle, elle s'est aimée quand ?
- Aucune idée. Peut-être quand elle a eu ses enfants.
- C'est compliqué la mort.
- Oui. C'est compliqué la mort.
- La vie aussi, je trouve.
- La vie aussi, oui.
- C'est compliqué seulement quand on est petit ou c'est toujours comme ça ?
- C'est toujours comme ça. C'est pire après. C'est pour ça qu'il faut être fort.
- Tu dis ça pour me démoraliser ?
- Non. Pour que tu trouves les armes.
- Les armes ?
- Oui. Il faut toujours se défendre, tu sais. Il faut être fort.
- Qu'est-ce qu'il faut pour être fort ?
- Ne pas faire confiance aux grandes personnes.
- Alors je suis forte, moi.
- Tu le seras, en tous cas.